Aujourd’hui, sur le marché des OS pour PC, l’OS le plus utilisé demeure Microsoft Windows, secondé par Mac OS et Linux obtenant à peine les trois pour cent sur ce marché. Pourquoi ? Linus Torvalds, le principal activiste du projet Linux a mis en avant le problème de la fragmentation de l’OS open source. D’autres ont cité d’autres problèmes tels que le manque de constructeurs proposant des PC avec Linux préinstallé, le support des pilotes et des logiciels propriétaires, etc. Les problèmes ne manquent pas et l’on craint que cela n’entraîne la fin, une par une, des distributions Linux. Antergos et Scientif Linux, deux des nombreuses distributions de l’OS open source viennent d’annoncer leurs fermetures et dans la communauté, on prévoit également la fin très prochaine de Linux Mint, également une distribution très populaire de Linux.
Quel avenir voyez-vous pour les distributions Linux sur le marché des PC ? Vont-elles toutes disparaître et être seulement réservées pour les usages sur les serveurs, les appareils mobiles et le cloud ? Les questions deviennent de plus en plus nombreuses au sein de la communauté. Lorsque Linus Torvalds a été sollicité en 2018 pour s’exprimer sur l’avenir du projet auquel il a donné naissance, il a indiqué que l’OS open source ne parvenait pas à s’imposer sur le PC du fait de sa fragmentation. L’OS n’a presque jamais ou a rarement dépassé les 3 % sur le marché du desktop. En effet, dans la filière desktop, c’est l’OS de la firme de Redmond qui continue de faire la loi avec une part de marché avoisinant les 90 %.
En parlant, Torvalds a souhaité que la communauté se mette d’accord pour développer un système d’exploitation standardisé pour contourner ce problème. « Je souhaite que nous [la communauté] fassions plus d’efforts dans le sens d’aller vers une offre de bureau standardisée, qui tournera sur toutes les variantes du système d’exploitation. Je suis personnellement très embêté de voir à quel point ce degré de fragmentation a freiné Linux sur le desktop », a lancé Torvalds depuis le mois de décembre 2018. Il reste à savoir si son appel sera entendu par la communauté et attirera l’avis positif des autres développeurs de distributions Linux.
Un autre avis sur le sujet est cette fois celui de Mark Shuttleworth, fondateur et PDG de Canonical, la société qui édite Ubuntu, qui estime que le retard de Linux sur les autres OS de bureau se retrouve dans le fait que la communauté n’a rien inventé dans Linux qui soit profondément, puissamment en avance sur son temps. « Je pense que le plus gros problème est que nous n'avons rien inventé dans Linux qui soit profondément, puissamment en avance sur son temps... J'aime ce que les gars de Chrome OS font parce qu'il y avait une vision très futuriste du bureau, une extension du Web. Et donc, ils méritent essentiellement leur succès, car ils étaient prêts à créer quelque chose qui n’existait pas dans un monde où, pour la plupart des gens, un OS de bureau ressemblait à Windows », a-t-il expliqué ce mois-ci.
En gros, bien qu’une bonne partie des développeurs prétendent que la grande variété de distributions concurrentes offre plus de choix aux utilisateurs, ce choix peut également être accablant. Il est trop difficile pour les nouveaux utilisateurs de choisir une distribution ou de les amener à choisir une distribution, car ces derniers ont peur de tomber sur une distribution mal construite ou non prise en charge correctement, fournissant ainsi une mauvaise première expérience. C'est à cause de ces différents problèmes et peut-être également à cause du manque de développeurs pour assurer la maintenance et la survie des innombrables distributions Linux que deux d’entre elles viennent de fermer.
En effet, Scientific Linux et le projet Linux Antergos ont annoncé respectivement en avril et en mai 2019 l’arrêt du développement de leurs différentes distributions. Alors que Red Hat Linux Enterprise 8 (RHEL) venait juste d’apparaître, Scientific Linux qui est une recompilation de RHEL va être abandonné par ses développeurs. En détail, Scientific Linux est une distribution Linux open source développée conjointement par Fermi National Accelerator Laboratory (Fermilab) et par le CERN. Elle est basée sur Red Hat Enterprise Linux avec l'intention d'être 100 % compatible au niveau binaire. Dans un mail adressé à la communauté, Fermilab a annoncé qu’il arrêtait le développement de la distribution et que la version Scientific Linux 8 ne verra pas le jour.
La décision vient du fait que Fermilab veuille se tourner désormais vers CentOS comme l’a fait CERN qui s’est retiré de Scientific Linux quelques années plus tôt et s’est également tourné vers CentOS. « À cette fin, nous déploierons CentOS 8 dans nos environnements informatiques scientifiques plutôt que de développer Scientific Linux 8. Nous collaborerons avec le CERN et d’autres laboratoires afin de contribuer à faire de CentOS une plateforme encore meilleure pour l’informatique physique de haute énergie. Fermilab continuera à prendre en charge Scientific Linux 6 et 7 tout au long de leur cycle de vie respectif. Merci à tous ceux qui ont contribué à Scientific Linux et qui continuent à le faire », a écrit Fermilab dans son mail.
Le projet Linux Antergos, quant à lui, est une distribution Linux basée sur Arch Linux. Il utilise l'environnement de bureau GNOME 3 par défaut, mais peut aussi employer le bureau Cinnamon, MATE, KDE Plasma 5, Deepin, et Xfce. Il s’agit de l’une des distributions les plus populaires de Linux avec, selon les chiffres de ses éditeurs, 931 439 téléchargements uniques d'Antergos depuis 2014. Après la sortie de sa version 19.4 en avril passé, les développeurs de cette distribution ont annoncé la fin de celle-ci, ce mois. Le principal problème évoqué dans la note adressée à la communauté est que les développeurs n'ont plus assez de temps libre pour entretenir correctement Antergos et que continuer à négliger le projet nuirait énormément à la communauté.
« Aujourd'hui, nous annonçons la fin de ce projet. Comme nombreux d'entre vous l'ont probablement remarqué au cours des derniers mois, nous n'avons plus assez de temps libre pour entretenir correctement Antergos. Nous avons pris cette décision parce que nous pensons que continuer à négliger le projet nuirait énormément à la communauté. Effectuer cette action maintenant, alors que le code du projet fonctionne toujours, offre aux développeurs intéressés une opportunité de prendre ce qu'ils trouvent utile et de démarrer leurs propres projets », a écrit l’équipe Antergos dans un billet de blog en date de ce 21 mai. Ils ont cependant exprimé le besoin de développer en amont un autre projet qui portera le nom de Endeavour.
Après Scientific Linux et le projet Linux Antergos, à qui donc le tour de fermer sa distribution ? Dans la communauté, on pense que ce sera Linux Mint qui suivra. Bien qu’à ses débuts en 2006, Linux Mint offre énormément d’avantages par rapport aux autres distributions de Linux, dans la communauté, l’on estime que celui-ci s’est fait rattraper et qu’il n’est désormais qu’un environnement de bureau, faisant référence à Cinnamon. Linux Mint est venu avec des codecs contenant des brevets qui n’étaient pas faciles à installer dans des distributions populaires telles qu’Ubuntu ou Fedora. Les brevets pour MPEG-2, MP3 et Dolby AC3 ont expiré depuis, ce qui a permis aux distributions Linux de fournir cette fonctionnalité librement, par défaut. Bien que Mint ait été l'une des premières distributions à résoudre efficacement ce problème, l'idée même que Mint est plus facile à utiliser, car elle fournit des codecs installés par défaut, n'a plus sa raison d'être comme d'autres distributions l'ont depuis rattrapé.
Il semblerait que Linux Mint a en fait régressé dans cette position, les codecs n'étant plus installés par défaut à partir de Linux Mint 18, ce qui fait de lui une distribution Linux identique aux autres. De plus, pendant un certain temps, Linux Mint semblait fonctionner d'une manière que les autres distributions avaient du mal à faire, car elles mettaient trop de nouveaux logiciels à la disposition des utilisateurs. Cinnamon est né de ce chaos, le fork de GNOME 3 construit pour Linux Mint qui utilise le paradigme de bureau classique introduit dans Windows 95. C'est familier et c'est une bonne chose. Même si Linux Mint n’a pas commencé avec Cinnamon, l’on pourrait dire que l’essentiel du code original produit par l’équipe Linux Mint est lié à Cinnamon, c’est la raison pour laquelle la distribution possède cette popularité.
Linux Mint possède deux distributions : la dérivée d’Ubuntu pour laquelle les éditions Cinnamon, MATE et Xfce sont fournies et la Linux Mint Debian Edition (LMDE) basée sur Cinnamon, qui existe pour l'équipe Linux Mint pour voir à quel point la distribution serait viable et combien de travail serait nécessaire si Ubuntu devait un jour disparaître. Mais, selon la Communauté, Ubuntu est pratiquement dans la catégorie des trop gros pour échouer. Bien que Canonical ait abandonné le développement de Unity pour Ubuntu (en revenant à GNOME 3 modifié), la distribution se poursuit. Canonical est, à tout le moins, solvable en particulier du fait que les dépenses de développement de Unity ont été arrêtées, car les programmeurs de ce projet auraient été largement licenciés.
Cela dit, précisent certains, Ubuntu ne disparaîtra pas et LMDE est inutile à cause du fait que la majorité des efforts de développement est basée sur Cinnamon. Selon eux, Cinnamon a pris son élan derrière la mise en œuvre progressive et riche en fonctionnalités du paradigme classique des ordinateurs de bureau pour les utilisateurs de Linux. Il est insensé, disent-ils, de conserver Linux Mint comme plateforme de présentation de Cinnamon, alors que le travail de maintenance d'une distribution est mieux géré par Ubuntu, Fedora, SuSE, etc., et Arch. L’avantage de Cinnamon peut être réalisé en tant qu’environnement de bureau véritablement indépendant de la distribution. Selon eux, la majorité du travail est déjà fait, car Fedora a déjà une version Cinnamon et peut être installée dans Debian, OpenSuSE et Arch.
« Le mieux serait peut-être d’envisager à transférer les efforts de développement de Linux Mint pour que Cinnamon devienne une saveur Ubuntu, s'attachant plus étroitement à l'infrastructure et aux calendriers de publication d'Ubuntu, au lieu d'opérer de manière indépendante et de risquer des conflits de paquetages. Cela dédupliquerait beaucoup de travail et donnerait plus de temps pour améliorer encore Cinnamon, et alléger les calendriers chargés de Clem et d’autres contributeurs à Linux Mint », ont-ils conclu.
Sources : Scientific Linux, Antergos
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Le , par Bill Fassinou
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