Grâce à des images diffusées en direct, il a été possible de suivre l'évolution du vol. Après s'être séparé et de son premier, et de son second étage, le vaisseau cargo spatial était sur la bonne orbite pour atteindre la Station spatiale internationale. Il a fallu que les deux hommes patientent quelques heures de plus après l’amarrage réussi pour rejoindre les trois occupants actuels de l’ISS, deux Russes et un Américain.
Ce lancement peut être considéré comme étant historique pour les États-Unis. En effet, l'accident de la navette spatiale Columbia en 2003, qui entraîne la mort de son équipage, remet en cause l'utilisation de la navette spatiale américaine. En 2004 l'agence spatiale américaine, la NASA, décide d'arrêter les vols de celle-ci en 2010. Elle se voit donc obligée de développer des moyens de transport pour reprendre les missions assumées jusque-là par la navette : le ravitaillement de la station spatiale en consommables (nourriture, eau, oxygène, carburant), le transport de pièces détachées pour les structures internes ou externes de la station, l'envoi d'expériences scientifiques à installer à l'intérieur et à l'extérieur de la station, le retour de pièces détachées et de résultats d'expériences sur Terre ainsi que la relève des équipages.
L'objectif est de ne pas être dépendant des autres puissances spatiales qui desservent déjà la station spatiale : vaisseaux Soyouz et Progress russes, HTV japonais et ATV européen. Pour remplacer la navette spatiale la NASA va lancer deux programmes. COTS a pour objectif de développer les moyens de transporter le fret. Pour la relève des équipages, la NASA compte sur le vaisseau Orion développé dans le cadre du programme Constellation mais compte tenu du retard pris par ce programme elle décide de lancer le programme CCDev destiné à développer des moyens de transport en attendant que Orion soit au point
En somme, cela fait près d’une décennie que les États-Unis n'avaient pas envoyé eux-mêmes des hommes dans l'espace après l'abandon des programmes Columbia en 2003 et Atlantis en 2011.
D’ailleurs, lors d’un entretien, Doug Hurley a tenu à féliciter SpaceX, déclarant au passage que : « ce fut un honneur de faire partie de cet effort de neuf ans depuis la dernière fois qu'un véhicule américain s'est amarré à la station spatiale internationale ».
« Aujourd'hui, une nouvelle ère de vols spatiaux humains commence alors que nous avons de nouveau lancé des astronautes américains sur des fusées américaines depuis le sol américain en route vers la Station spatiale internationale, notre laboratoire national en orbite autour de la Terre », a déclaré Jim Bridenstine, administrateur de la NASA. « Je remercie et félicite Bob Behnken, Doug Hurley et les équipes de SpaceX et de la NASA pour cette réalisation importante pour les États-Unis. Le lancement de ce système spatial commercial conçu pour les humains est une démonstration phénoménale de l'excellence américaine et est une étape importante sur notre chemin pour étendre l'exploration humaine à la Lune et à Mars. »
Des ordinateurs qui tournent sur Linux
Les ordinateurs de bord des engins spatiaux sont chargés de contrôler la plateforme, les charges utiles ou les autres appareils embarqués. Leur logiciel spécifique à la mission permet la communication avec le sol ou d'autres ordinateurs de bord. Traditionnellement, les logiciels embarqués ont été écrits à proximité du matériel en langage assembleur, Ada, C ou C++, avec ou sans système d'exploitation en temps réel (RTOS – Real Time Operating System).
Au fur et à mesure que les capacités matérielles informatiques des engins spatiaux augmentent, les logiciels des engins spatiaux deviennent plus grands et plus complexes, gérant plus de tâches, du traitement des données utiles à l'atterrissage d'un étage d'un lanceur sur une barge océanique. Les engins spatiaux continueront à inclure de très petits systèmes embarqués qui peuvent être développés sans systèmes d'exploitation, mais certains systèmes auront également de grandes bases logicielles, nécessitant des processus de développement de logiciels efficients et la réutilisation des modules logiciels existants.
SpaceX, fondée par Elon Musk en 2002, exploite la famille de lanceurs Falcon et le vaisseau cargo spatial Dragon. Un document publié sur l’IEEE Aerospace and Electronic Systems Magazine en octobre 2017 donne un peu plus de détails sur les composants informatiques :
Il indique que « Dragon se compose de trois unités informatiques, chacune dotée de deux processeurs indépendants. Au total, le vaisseau cargo spatial Dragon a au moins 54 processeurs standards, et le lanceur Falcon 9 en a au moins 30 ».
Le document nous apprend aussi que « SpaceX a également sélectionné Linux et C++ pour pouvoir puiser dans la vaste communauté de développeurs de ces environnements - il y a beaucoup plus de développeurs Linux et C ++ que, par exemple, VxWorks et Adadevelopers. SpaceX prévoit également qu'une plus grande disponibilité du matériel entraîne une plus grande familiarité avec le système, réduisant ainsi les bogues ; les développeurs de logiciels de vol ont plusieurs ordinateurs de vol sur leurs bureaux .»
Plus loin, nous pouvons lire :
« SpaceX a commencé son développement de logiciel de vol avec une combinaison de VxWorks pour l'ordinateur principal et Linux pour exécuter les passerelles de communication, mais a continué à utiliser un Linux hautement personnalisé partout après s'être familiarisé avec la progression en temps réel des correctifs de l’ordonnanceur Linux et du noyau. Les raisons du choix de Linux incluaient la disponibilité du code source et donc la programmabilité, sa stabilité au niveau de l'entreprise, la disponibilité des correctifs logiciels en temps réel et sa large communauté d'utilisateurs.
« SpaceX utilise Linux sur leurs ordinateurs de vol principaux pour le vaisseau cargo spatial Dragon et le le lanceur Falcon 9, ainsi que pour leurs véhicules d'essai, tels que Grasshopper. Leur version de Linux est basée sur le noyau 3.2 avec des correctifs en temps réel. Seules les fonctionnalités nécessaires à l'implémentation de SpaceX ont été transportées à partir du noyau d'origine - seulement environ 10 à 15% du code d'origine. SpaceX a également apporté ses propres modifications spécifiques à la mission au noyau, et des pilotes personnalisés ont également été ajoutés. Le noyau a été soigneusement évalué, en particulier en se concentrant sur les performances de l’ordonnanceur
« Les développeurs de logiciels de vol SpaceX utilisent de nombreux outils GNU standard tels que gcc, gdb, ftrace, netfilter et iptables. SpaceX inclut une collecte complète de métriques sur leur logiciel, y compris, mais sans s'y limiter, les performances, l'utilisation du réseau et la charge du processeur. Ces informations sont collectées et stockées avec la télémétrie des engins spatiaux et les versions logicielles en cours d'utilisation; cela permet la reproduction de toute situation rencontrée, particulièrement utile lors de l'analyse des échecs. Les données de mesure sont automatiquement analysées pour déclencher des alarmes si le comportement du logiciel est inhabituel. Les processus de développement de logiciels, tels que l'application des normes de codage, sont automatisés dans la mesure du possible ».
Des commandes sur des écrans tactiles
Près de deux heures après que les astronautes de la NASA, Bob Behnken et Doug Hurley, sont devenus les premiers astronautes lancés dans l'espace sur une fusée privée, ils sont également devenus les premiers à piloter un vaisseau spatial en utilisant uniquement des commandes à écran tactile.
Le vaisseau cargo spatial Crew Dragon de SpaceX évite le célèbre labyrinthe de commandes et interrupteurs manuels trouvés sur les modules de commande des navettes spatiales à la retraite comme Space Shuttle ou Apollo. Au lieu de cela, les pilotes de Crew Dragon n'ont que trois grands écrans tactiles devant eux et quelques boutons en dessous.
Behnken et Hurley ont pu tester cette interface lors d’un bref essai de routine avant le lancement et l'ont d'ailleurs présentée.
Sources : NASA, document sur les ordinateurs embarqués sur le vaisseau cargo spatial, SpaceX
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