Dans le cas du projet Debian, tout part d’une intervention de Linus Torvalds lors de l’édition 2014 de la DebConf. Alors qu’il s’exprimait sur ses divergences avec la Free Software Foundation au sujet de la licence GPLv3, Linus Torvalds bien connu pour ne pas avoir la langue dans sa poche n’avait pas manqué de traiter la FSF de « malhonnête », « d’immorale » ; d’être remplie de « fous et de fanatiques. »
C’est ce qui lui a valu plus de 250 plaintes de violation de conduite du projet Debian. « À mon avis, il est plus qu’évident que Linus a violé le code de conduite de la DebConf. […]. Mais de manière réaliste, la seule chose que nous pouvons faire est de ne pas l’inviter aux futurs événements du projet Debian », lit-on dans l’une des plaintes. « Debian devrait déclarer publiquement que Linus ne sera pas le bienvenu à ses événements. [...] De plus, Debian doit des excuses à la Free Software Foundation. Ces excuses devraient être au moins aussi publiques que l'infraction », avance une autre. L’édition 2020 de la DebConf s’est tenue en ligne au courant du mois d’août.
Sur ce même axe de la gestion des contenus dits offensants, l’équipe code de conduite du projet Debian a, il y a deux ans, demandé le retrait du paquetage Web Outside of Browsers de l’archive. Weboob a fait l’objet d’une première introduction à l’archive Debian en 2010. C’est un ensemble d’outils en ligne de commande pour interagir avec des sites web. C’est près de 30 applications, dont boobtracker, cookboob, flatboob, etc. Bref, trop de « boob » pour un mainteneur Debian qui commentait alors que « ce logiciel (binaires inclus) contient des références enfantines à une partie du corps d’une femme en particulier. » Des signalements liés à la formulation des noms du paquetage (et des applications en son sein) avaient donc fait surface. Sur la liste de diffusion Debian, un contributeur relevait alors que weboob c’est aussi « des icônes sexuellement suggestives. »
L’équipe du projet Debian est très à cheval sur le politiquement correct. C’est la raison pour laquelle l’une des 250 plaintes de violation du code de conduite par Linus Torvalds rappelle que « tout le monde doit être traité avec respect », ce qui implique l’utilisation d’une terminologie policée dans le but de ne pas heurter autrui. Linus Torvalds pour sa part avait été clair sur la question : il n’accorde d’importance qu’à la technologie et est d’avis que certains projets communautaires en font trop avec les questions en lien avec le politiquement correct et finissent par se détourner de l’essentiel.
« Je suis acerbe probablement parce qu’ issu d’une culture qui je pense n’en fait pas autant dans le politiquement correct que les USA de nos jours. Je viens également d’une famille qui était largement dysfonctionnelle. Donc, les gens sont différents et nous devons apprendre à vivre ensemble. Seulement, le vivre ensemble ne consiste pas à chercher une espèce de plus petit dénominateur commun, mais réside dans cette possibilité de choisir ses collaborateurs. C’est l’un des avantages de l’open source en comparaison à ce qui se fait dans l’univers des logiciels propriétaires », avait-il ajouté.
Le danger avec des appels à bannissement comme ceux dont il est fait mention est de perdre des contributeurs de qualité et pas des moindres. Cela s’est vu avec le cas Kevin Kofler dans le cadre du projet communautaire Fedora.
« Kevin Kofler a contribué pendant longtemps au projet Fedora et ses aptitudes techniques ont été d’un grand bénéfice. Il a également un important passif de comportements et d'attitudes négatives, violant souvent l'esprit et la lettre du code de conduite du projet Fedora. Ses actions sont à l’origine de nombreuses tensions et ont provoqué le départ de plusieurs contributeurs du projet. […]. Compte tenu de l’impasse dans laquelle le projet se trouve, nous ne pouvons laisser cette situation toxique perdurer. L’équipe KDE SIG est arrivée à la conclusion que Kevin soit banni de la communauté », indiquait un communiqué dans la liste de diffusion de Fedora.
Source : Courriels
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Le code de conduite d’un projet communautaire doit-il être appliqué à tous les contributeurs de façon indépendante de leurs compétences ou de leur aura ?
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