Tout commence en 1995 avec la vente par Novell du code d'Unix à la société SCO (SCO - un fournisseur d'UNIX pour les processeurs x86). Le montant de la transaction avoisinait les 150 millions de dollars.
Cette vente a généré deux interprétations chez les participants. Novell considère qu'il n'a cédé que le code, pas les droits de propriété intellectuelle. SCO affirme avoir acheté les deux.
En 1998, IBM, Santa Cruz Operation et d'autres se sont associés pour créer le projet Monterey, dans le but de développer une version d'UNIX qui fonctionne sur plusieurs plateformes matérielles. Ce que la communauté Linux avait commencé à faire également.
En 2001, IBM a décidé que Linux était l'avenir et a quitté le projet Monterey, entraînant même certains des participants au projet Monterey dans son sillage. À ce moment-là, Big Blue avait créé une version expérimentale de son propre système d'exploitation AIX de type UNIX qui utilisait du code SCO. AIX est le système d'exploitation de type Unix commercialisé par IBM depuis 1986. AIX est l'acronyme de Advanced Interactive eXecutive, cependant, seul l'acronyme est utilisé.
Mais une fois qu'il a abandonné le projet Monterey, IBM a apporté une partie de sa propriété intellectuelle à Linux. SCO s'est opposé à ces contributions, car il estimait qu'IBM avait cédé ses actifs à la base de code Linux open source.
Aussi, le 6 mars 2003, Caldera Systems, renommé SCO, a engagé une action contre IBM pour avoir rompu le contrat de leur projet conjoint Monterey qui portait sur le codéveloppement d’un OS Unix. Le plaignant accusait notamment Big Blue d’avoir dévoilé une partie du code source Unix et des méthodes pour contribuer à Linux et pour développer AIX, la propre version Unix d’IBM. Ce faisant, arguait-il, IBM avait non seulement violé les accords du projet Monterey mais aussi enfreint les droits d’auteur des débiteurs sur Unix et Unixware et s’est livré à une concurrence déloyale en tenant de détruire la valeur économique d’Unix et les droits de propriété des débiteurs sur celui-ci.
Réclamant dans un premier temps 1 milliard de dollars de dommages et intérêts, sa prétention gonfle rapidement en trois mois pour atteindre les 3 milliards de dollars. Notons que la même année SCO attaque également Novell voyant en Linux un dérivé illégal du code source de Unix, lui réclamant 1 milliard de dollars pour violation de brevet.
La licence d'IBM pour l'utilisation du code d'Unix expirait en 2003. Big Blue aurait, selon SCO, illégalement donné ledit code source pour une réutilisation dans Linux.
Contre-attaqué par IBM en août 2003 devant le tribunal fédéral de l'Utah et soulevant un tollé sans précédent dans le monde informatique (de la Free Software Foundation à Novell, en passant par ses propres employés), SCO se retrouve vite en très mauvaise posture (condamnation en septembre 2003 pour diffamation, baisse de 50 % de son chiffre d'affaires sur 2004).
Réclamant désormais 5 milliards de dollars à IBM, la société joue son va-tout en juillet 2004 en détaillant ses plaintes relatives au fait qu'une partie de son code inclus dans le format d'exécutable et de liaison UNIX, du système de fichier JFS ou encore d'init, est contenu de manière illégale dans le noyau Linux.
Le 10 août 2007, le juge Kimball rend pourtant un verdict tranché : il indique que Novell est bien le propriétaire du copyright de Unix et de UnixWare. Linux était donc sauf. Ce qui n'était pas le cas de SCO.
Déboutée, et visiblement dégoutée, la société était en péril. Son chiffre d'affaires avait fondu de 250 millions de dollars à 15 millions par an du fait de la nouvelle concurrence de Linux. Proche de la faillite, l'entreprise utilise alors une subtilité du droit des entreprises américaines pour se protéger de la banqueroute et se mettre à l'abri d'une liquidation pure et simple : SCO se place sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites (transféré en chapitre 7 en 2012 avec nomination d’un administrateur de la faillite).
En février 2008, le fond Stephen Norris Capital Partners injecte, en toute connaissance de cause, une somme de 100 millions de dollars. La contrepartie de l'investissement est clairement stipulée dans l'accord : « continuer de manière agressive » les poursuites à l'encontre de Novell et d'IBM. Fort de ce soutien inespéré, SCO décide de continuer le combat.
Le 26 août 2021, une requête en règlement du tribunal des faillites des États-Unis pour le district du Delaware indique que les parties « ont convenu de régler tous les différends entre elles par un paiement à l’administrateur (…) de 14 250 000 dollars » dans les cinq jours ouvrables suivants la date d'entrée en vigueur de l'entente de règlement.
En clair, si la proposition est acceptée par les deux parties, cet accord mettrait un terme au procès de l’ancien SCO avec IBM. Sous 5 jours, IBM devra alors payer les 14,25 millions de dollars par transfert à l’administrateur gérant la faillite de SCO, renommé depuis TSG Group. Pour ce dernier, cette proposition est établie de façon raisonnable, en tenant compte des meilleurs intérêts pour les créanciers et elle devrait être approuvée.
Xinuos souffle sur les braises du conflit
Mais ce conflit pourrait être porté par une autre entité. En effet, bien que SCO ait fait faillite, sa propriété intellectuelle a continué à vivre sous les nouveaux propriétaires. IBM a continué à lutter et les organisations qui ont hérité de la propriété intellectuelle de SCO ont continué à essayer de nouveaux coins, à trouver de nouvelles sources de financement, ou les deux. Xinuos, qui a repris les actifs de SCO il y a 10 ans, est revenu à la charge contre IBM. Big Blue est de nouveau accusé, cette fois par Xinuos, d’avoir illégalement copié le code du logiciel que ce dernier a racheté à SCO pour l’utiliser dans son système d’exploitation.
Xinuos, qui vend UnixWare et OpenServer, a intenté une action en justice plus tôt cette année, alléguant un vol de propriété intellectuelle et une collusion monopolistique sur le marché contre les défendeurs conjoints IBM et Red Hat. Xinuos a été formé autour des actifs de SCO Group il y a une dizaine d'années sous le nom d'UnXis et, à l'époque, le successeur de SCO se désavouait de tout intérêt à poursuivre le long litige de ce dernier sur Linux.
L'action en justice allègue qu'IBM a incorporé un code non spécifié du code UnixWare et OpenServer de la société dans le propre système d'exploitation AIX d'IBM. Elle allègue également qu'IBM et Red Hat ont directement conspiré pour diviser l'ensemble du marché des systèmes d'exploitation de type Unix en grandes opportunités commerciales pour IBM, en laissant Xinuos sur le carreau :
« Premièrement, IBM a volé la propriété intellectuelle de Xinuos et a utilisé cette propriété volée pour construire et vendre un produit concurrent de Xinuos lui-même. Deuxièmement, la propriété volée étant entre les mains d'IBM, IBM et Red Hat ont illégalement convenu de diviser le marché concerné et d'utiliser leur pouvoir de marché croissant pour victimiser les consommateurs, les concurrents innovants et l'innovation elle-même. Troisièmement, après qu'IBM et Red Hat aient lancé leur conspiration, IBM a ensuite acquis Red Hat pour solidifier et rendre permanent leur plan ».
Xinuos s'étend sur le préjudice qu'il estime avoir subi dans le procès complet :
« En raison de ces activités, Xinuos a été exclue d'opportunités clés sur le marché. Par exemple, en dépit du fait que Xinuos offre un système d'exploitation basé sur FreeBSD avec une valeur commerciale substantielle pour les utilisateurs professionnels, Xinuos n'a pas été en mesure d'obtenir autant de soutien financier ou d'intérêt des clients pour OpenServer 10 qu'il aurait pu et dû le faire en raison des conditions du marché. En effet, le marché est tellement faussé que Xinuos a déterminé que plus de 70 % de moins de ses clients sont en mesure d'obtenir une licence pour son nouveau système d'exploitation que ce qui serait disponible dans un marché fonctionnel. L'effet d'éviction sur Xinuos est ressenti par tous les concurrents également ».
L'action en justice de Xinuos affirme également qu'IBM a trompé les investisseurs en déclarant dans ses rapports annuels depuis 2008 qu'il détenait tous les droits d'auteur d'Unix et d'UnixWare. « Bien que cette affaire concerne Xinuos et le vol de notre propriété intellectuelle », a déclaré Sean Snyder dans un communiqué, « il s'agit également d'une manipulation du marché qui a porté préjudice aux consommateurs, aux concurrents, à la communauté open source et à l'innovation elle-même ».
Plus surprenant encore, la société affirme qu'IBM cherche expressément à détruire FreeBSD dans son ensemble : « La stratégie d'IBM avec Red Hat a été expressément de détruire FreeBSD, sur lequel les innovations les plus récentes de Xinuos ont été basées ».
Et elle continue en demandant non seulement des dommages et intérêts, mais l'annulation complète de l'acquisition de Red Hat par IBM : « La fusion devrait être déclarée illégale en violation d'au moins la section 7 de la loi Clayton, et il devrait être ordonné à IBM et Red Hat de se séparer l'un de l'autre et d'annuler tous les accords associés entre eux ».
« Le résultat a rendu impossible pour Xinuos d'être compétitif à des conditions équitables et a empêché les consommateurs d'accéder aux produits de haute qualité de Xinuos. Le résultat est également un marché profondément dysfonctionnel. Les produits de grande valeur n'ont aucun moyen de pénétrer le marché. Les rivaux naissants n'ont aucune possibilité de croissance. Les prix s'envolent. Trop, c'est trop. IBM et Red Hat ont abusé de leur contrôle sur le marché des systèmes d'exploitation Unix/Linux pendant bien trop longtemps, et une intervention est le seul moyen de réparer ce qu'ils ont cassé », lit-on dans la section "Contexte factuel" du procès.
Si Red Hat n'a pas immédiatement répondu à la plainte, un porte-parole d'IBM, Doug Shelton, a déclaré :
« Les allégations de Xinuos en matière de droits d'auteur ne font que ressasser les revendications éculées de son prédécesseur, dont Xinuos a acheté les droits d'auteur à la suite d'une faillite, et n'ont aucun fondement ». Il ajoute que « Les allégations antitrust de Xinuos, portées contre IBM et Red Hat, la plus grande société de logiciels libres au monde, défient également toute logique. IBM et Red Hat défendront agressivement l'intégrité du processus de développement des logiciels open source et le choix inhérent, et donc la concurrence, que les logiciels open source favorisent ».
Source : proposition d'accord
Le litige opposant SCO à IBM pour violation des droits d'auteur dans le code UNIX/Linux en voie de se résoudre en partie
Le litige dure depuis près de 20 ans
Le litige opposant SCO à IBM pour violation des droits d'auteur dans le code UNIX/Linux en voie de se résoudre en partie
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Le , par Stéphane le calme
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