
Kapitano était une interface graphique pour ClamAV
Kapitano visait à rendre ClamAV, un antivirus open source reconnu, beaucoup plus accessible aux utilisateurs Linux via une interface graphique GTK4/libadwaita. En évitant l’usage du terminal, il promettait une adoption facilitée pour les novices — une initiative simple mais puissante. Mais son développeur, connu sous le pseudonyme de « zynequ », a annoncé l'abandon de son projet d'antivirus Kapitano suite à une vague de harcèlement en ligne. Cet événement met en lumière les défis auxquels sont confrontés les créateurs de logiciels bénévoles, souvent ciblés par des attaques personnelles et des critiques virulentes.
Kapitano était un outil dont la fonction était simple : donner au moteur d'analyse ClamAV une interface moderne sous Linux. Il s'appuyait sur la base de données ClamAV, une liste massive et constamment mise à jour utilisée pour détecter toutes sortes de menaces telles que les virus, les vers et les chevaux de Troie. Comme ClamAV est avant tout un outil en ligne de commande, il dépend d'une interface graphique (frontend) pour les utilisateurs qui préfèrent ne pas travailler dans le terminal. Il existe des applications telles que ClamWin sous Windows, ClamXav sous Mac et, jusqu'à récemment, Kapitano sous Linux.
Kapitano, cette interface graphique pour le moteur de scan antivirus en ligne de commande ClamAV, avait été conçu par zynequ comme un projet de loisir. Le développeur, travaillant sur son temps libre et sans aucun soutien financier, souhaitait offrir une solution de sécurité conviviale à la communauté Linux.
Dérive subite : du bug à l’attaque personnelle
Le tournant est survenu lorsqu’un utilisateur a ouvert une issue sur Codeberg affirmant : « Kapitano resulted in 24 positives – for win.exploits and Trojans » (« Kapitano a donné lieu à 24 résultats positifs – pour win.exploits et chevaux de Troie »), accompagné d’un « DO NOT DOWNLOAD ! » catégorique. Il affirmait que Kapitano générait de faux positifs ciblant Windows. L'utilisateur est allé jusqu'à qualifier Kapitano de malware.
Zynequ a tenté de calmer la situation en expliquant que Kapitano n'était qu'une interface et que le problème provenait du moteur ClamAV lui-même, soulignant au passage que le code était ouvert et vérifiable par tous. Kapitano, développé avec GTK4 et libadwaita, n'est qu'un wrapper qui envoie des commandes à l'utilitaire clamscan, mais n'a aucune influence sur ce qui est signalé.

Le développeur a également reproché à l'utilisateur ses « attaques personnelles » et a abordé la question de l'absence totale d'avis, soulignant qu'il ne s'agissait pas d'un complot puisque le projet était très récent, ayant été lancé en juin. Il a insisté sur le fait que son code n'avait rien de « louche » et qu'il était entièrement ouvert à l'examen.
La situation s'est alors envenimée. Après que Zynequ ait clos le dossier, l'utilisateur en a créé un autre, puis a soumis à nouveau sa plainte sous le numéro 13, cette fois-ci avec un titre différent : « Le développeur de Kapitano est un acteur malveillant. Bloquez ce distributeur de logiciels malveillants ».
Après un échange houleux avec le développeur, l'utilisateur a finalement publié : « Votre projet n'est plus sur le disque dur de mon ordinateur portable. Laissez tomber. Au revoir. »
Face à la pression psychologique, zynequ a annoncé l’archivage du projet. Son message exprimait clairement son découragement :

Contexte et résonance dans l’open source
Une toxicité trop souvent ignorée
L’abandon de Kapitano n’est pas un cas isolé. Sur Reddit, un utilisateur cite plusieurs projets abandonnés à cause du harcèlement et du manque de gratitude des utilisateurs, comme Ueberzug, dont le développeur a quitté en citant la négativité constante et l’absence de respect pour son travail bénévole. Ce témoignage souligne une réalité douloureuse du monde open source : les mainteneurs bénévoles subissent parfois une faible reconnaissance, voire de la toxicité.
Pression intense sur les responsables de projets
Le phénomène va au-delà de simples frontend antifaille : même des mainteneurs de projets essentiels en abandonneraient pour des raisons non techniques. Par exemple, un responsable du projet Rust for Linux a quitté, évoquant la fatigue face à des discours non techniques. Cela montre que des aspects sociaux peuvent être tout aussi destructeurs que les défis techniques.
Perte fréquente de développeurs clés
Une étude académique révèle que 70 % des projets open source perdent leur développeur principal dans les trois premières années, et seuls 27 % parviennent à attirer un successeur. Kapitano illustre cette statistique : un projet prometteur, mais solo, vulnérable et rapidement abandonné. Les projets isolés restent les plus exposés.

Conclusion
Cet incident, bien que centré sur un seul projet, a ravivé le débat au sein de la communauté open source sur la nécessité de créer des environnements plus respectueux et de protéger les développeurs bénévoles du harcèlement. Cela soulève une question fondamentale : comment concilier la liberté de parole avec la protection des créateurs de contenu qui investissent leur temps et leur énergie pour le bien commun ?
Sources : Zynequ, Mythe : la perte de développeurs principaux est un problème critique pour les communautés OSS, ClamAV
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