L’ascension de Linux dans l’univers du gaming n’a jamais été aussi spectaculaire. Le mois de novembre marque un tournant décisif : selon les données de Steam Hardware & Software Survey, la part d’utilisateurs Linux sur Steam a atteint un niveau record, propulsée par une combinaison de facteurs techniques, stratégiques et culturels. Ce qui ressemblait autrefois à un marché de niche se transforme aujourd’hui en un véritable pilier d’adoption pour l’OS libre, à la faveur d’une accélération continue depuis le lancement du Steam Deck et l’amélioration fulgurante des technologies d’émulation et de compatibilité.La plupart des passionnés de technologie ont déjà entendu parler du Steam Deck, voire en possèdent un, et ont peut-être même installé des distributions Linux basées sur SteamOS telles que Bazzite ou Chimera. La réaction négative, certes modeste mais croissante, contre les exigences matérielles strictes et les mises à niveau forcées de Windows 11 est peut-être devenue évidente dans la dernière enquête Steam Hardware & Software Survey, qui montre un record historique de 3,20 % pour Linux.
Ce chiffre représente une augmentation de 0,15 % en seulement un mois, ce qui est assez impressionnant si l'on considère que pendant des années, l'utilisation de Steam Linux était inférieure ou à peine supérieure à 1 %. Le lancement du Steam Deck en 2022 a naturellement fait grimper ce chiffre, mais la communauté des joueurs semble se rallier aux dérivés de SteamOS, puisque cette famille de systèmes d'exploitation détenait une part de marché de 1,9 % en 2023, de 3,05 % en 2025 et de 3,20 % actuellement. GamingOnLinux a mis à jour son nouveau graphique de distribution dont voici un aperçu ci-dessous.
Bien que la Steam Deck soit un produit valable en soi, il n'est pas difficile d'imaginer que l'essor de Linux s'explique en partie par les manigances de Windows 11, telles que les mises à jour qui endommagent les machines, une expérience utilisateur truffée de notifications et de pop-ups, l'intégration forcée de Copilot et OneDrive et, bien sûr, la mise à niveau forcée depuis Windows 10.
Un pic historique : Linux dépasse un nouveau seuil symbolique
Le rapport mensuel publié via la Steam Hardware & Software Survey donne le ton : la part d’utilisateurs Linux progresse encore et atteint un niveau jamais vu. Cette hausse s’inscrit dans une tendance désormais structurelle. Le Steam Deck, motorisé par SteamOS (une distribution Arch Linux modifiée), constitue aujourd’hui l’un des principaux moteurs d’adoption, et son succès redéfinit la place de Linux dans l’écosystème gaming.
Ce dynamisme se reflète dans deux éléments clés. D’abord, la plateforme semble désormais s’être imposée comme une alternative crédible pour les joueurs en quête d'indépendance face au modèle Windows. Ensuite, la croissance ne dépend plus uniquement des passionnés historiques du libre : elle attire un public nouveau, parfois peu technophile, mais séduit par la simplicité du Steam Deck et la stabilité proposée.
Steam Deck : catalyseur, évangélisateur et laboratoire technologique
Il est impossible de comprendre cette progression sans examiner le rôle central du Steam Deck. Valve a réussi un mouvement que peu anticipaient : faire de Linux non pas un « OS pour power users » mais un environnement préconfiguré, sans friction, où Proton — la couche de compatibilité basée sur Wine — exécute la quasi-totalité des jeux Windows avec un niveau de performance souvent comparable, voire supérieur.
Le Deck agit alors comme une forme d'évangélisation douce. L’utilisateur lambda découvre qu’il joue en réalité sous Linux. Il découvre ensuite qu’il peut basculer en « mode bureau », profiter d’une distribution complète, installer flatpaks, développeurs, IDE, applications professionnelles… Le gaming devient alors la porte d'entrée vers un usage élargi.
Pour l’industrie IT, ce phénomène représente un cas d’école en matière d’adoption technologique : un produit matériel a réussi à embarquer un OS libre au cœur d’un usage de masse.
Steam Machine pour assurer la continuité ?
Près de quatre ans après que la Steam Deck ait révolutionné le monde du jeu portable, Valve s'apprête à commercialiser du matériel fonctionnant sous SteamOS, conçu pour les téléviseurs de salon, voire pour remplacer les PC de bureau dédiés au jeu. Baptisés simplement Steam Machine et Steam Controller, ces deux produits, dont la commercialisation est prévue début 2026, sont « optimisés pour le jeu sur Steam et conçus pour permettre aux joueurs de tirer encore davantage parti de leur bibliothèque Steam », a déclaré Valve dans un communiqué de presse.
La fiche technique de la Steam Machine partagée par Valve mentionne un processeur AMD Zen 4 à six cœurs « semi-personnalisé » cadencé à 4,8 GHz, ainsi qu'un processeur graphique AMD RDNA3 avec 28 unités de calcul. La carte mère comprendra 16 Go de RAM DDR5 et 8 Go supplémentaires de VRAM DDR6 dédiée pour le GPU. Le nouveau matériel sera disponible en deux configurations avec 512 Go ou 2 To de « stockage SSD » non spécifié, mais Valve n'a pas encore communiqué les prix.
Ces puces et ces chiffres suggèrent que la Steam Machine aura à peu près la même puissance qu'un PC de jeu de bureau de milieu de gamme d'il y a quelques années. Mais Valve affirme que sa « Machine » — qu'elle classe comme « plus de 6 fois plus puissante que la Steam Deck » — est suffisamment puissante pour prendre en charge le ray tracing et/ou les jeux en 4K à 60 images par seconde grâce à l'upscaling FSR.
La nouvelle Steam Machine s’éloigne résolument du concept hybride console/PC pour embrasser pleinement son identité de mini-ordinateur surpuissant. Les tests préliminaires et les données publiées indiquent une architecture basée sur un APU de dernière génération, capable de délivrer une puissance brute que la Steam Deck ne peut tout simplement pas approcher. La promesse est ambitieuse : offrir une machine taillée pour du 1440p fluide, voire du 4K raisonnable, le tout dans un châssis compact rappelant les meilleurs mini-PC du marché.
Valve a également revu son approche thermique. L’objectif n’est plus seulement de miniaturiser, mais de garantir un fonctionnement stable en charge prolongée. La firme insiste sur un refroidissement silencieux, un argument que les joueurs de salon attendent depuis longtemps sur un hardware PC. L’idée est simple : offrir l’expérience console sans renoncer à la liberté PC.
D'autres statistiques intéressantes : hardware, répartition des cœurs, cartes graphiques
Du côté matériel, les processeurs AMD poursuivent leur progression constante face à Intel. AMD détient désormais 43,56 % du marché des processeurs pour jeux vidéo, contre 56,44 % pour Team Blue. À l'exception d'un seul mois, la part de marché des processeurs Intel n'a cessé de reculer depuis près d'un an et ne montre aucun signe de ralentissement.
La répartition des cœurs de processeurs est également intéressante. Au cours du seul mois dernier, les processeurs dotés de 8 cœurs physiques ou plus ont enregistré une hausse combinée de 1,18 % (sous Windows, du moins), ce qui signifie que les joueurs achètent ou mettent à niveau leurs machines à un rythme assez rapide, et que les consommateurs optent principalement pour des systèmes AMD.
En ce qui concerne les cartes graphiques pour jeux vidéo, des évolutions surprenantes ont été observées. La RTX 5070 est désormais le GPU Blackwell le plus courant parmi les systèmes étudiés, avec une hausse de 0,33 % pour atteindre 2,12 % du parc total. Cela représente environ autant d'utilisateurs que ceux de la RTX 5060 et de la RTX 5060 Ti réunis, ce qui n'est pas l'évolution à laquelle nous nous attendions compte tenu du rythme apparent d'adoption de la RTX 5060.
La RTX 5060 a augmenté sa part de 0,30 % pour atteindre 1,54 % des systèmes étudiés. Parallèlement, la RTX 5070 Ti a enregistré une augmentation de 0,19 % de sa part pour atteindre 1,09 % du parc, tandis que la RTX 5080 a augmenté de 0,14 % pour atteindre 0,96 %.
La défiance envers Windows 11 nourrit une migration technologique
L’évolution du marché ne peut être lue uniquement à travers Steam et Valve. Une partie de la hausse observée est aussi alimentée par le recul de Windows 11 auprès d'une frange du public PC. L’inflation des exigences matérielles, les contraintes de sécurité, la multiplication des services connectés et l’omniprésence des fonctionnalités basées sur l’IA créent un malaise perceptible.
De nombreux joueurs expérimentés expriment une forme de lassitude face à la direction prise par Microsoft. Linux apparaît alors, pour la première fois, comme une alternative solide, moderne et performante. Ce changement culturel s’inscrit dans une dynamique plus large de recherche d'indépendance numérique et de souveraineté logicielle.
La situation est telle que, tandis Microsoft pousse son écosystème vers une nouvelle ère dominée par l’IA agentique, près de 500 millions d’utilisateurs refusent de migrer vers Windows 11[...
La fin de cet article est réservée aux abonnés. Soutenez le Club Developpez.com en prenant un abonnement pour que nous puissions continuer à vous proposer des publications.